Deux regards de jeunes femmes sur le temps perdu de leur enfance ou comment visiter les souvenirs.
A bien y regarder leurs méthodes semblent toutes opposées. Victoire Eouzan photographie des lieux qui lui sont chers, chargés d’hier, auxquelles elle surimpose de courtes phrases poétiques. Les lettres mordent le papier glacé et semble entraver la photo. Pourtant, elles l’approfondissent par le chant d’un écho.
Ici la phrase texte apparaît comme la clef de l’image, lui donne un sens caché qui, pour impénétrable qu’il soit, remplit la mission de nous faire divaguer.
Le souvenir est accroché de prime abord par le geste photographique, puis, le regard des ans, sous la forme du verbe, vient le dépasser, le remettre en question.
O mes printemps mes soleils, o mes folles années perdues !
Inversement, chez Victoire Kammermann le souvenir sédimente. Apparaît lointain, puis se révèle peu à peu. Pareil à ses peintures, il naît, brut, volumineux, abyssal et chemin faisant se précise, s’informe jusqu’au motifs.
Là encore ces motifs ne sont pas hasardeux et chacun à leur manière évoque un sentiment de liberté.
Puis le motif lui-même est épuisé, tordu de couleurs en couleurs jusqu’à redevenir à sa façon un amas primitif. Totem devient le motif.
Et chez ces deux artistes également, quelle belle mélancolie, toutefois, que nous connaissons tous : le regret du temps qui passe.
Sebastien Thevenet, décembre 2020